Suite de l’histoire de la tabatière en verre sous la dynastie Qing. (Première et deuxième parties).
Pour mémoire: à la suite des règnes de Kangxi et de Yongzheng, la rapide évolution du verre entraîne celles de méthodes décoratives inédites sur verre : la sculpture, le verre doublé (overlay), la dorure, la gravure…
Avec l’empereur Qianlong (1736-1795) la collaboration avec les missionnaires s’accentue, le mécénat s’étend et la verrerie réintègre en grande partie le Palais de Pékin. Après une brève période de transition, l’empereur s’entoure de plus en plus de jésuites aptes à superviser certaines productions impériales d’objets d’art. Il s’assure ainsi de perfectionner les bases techniques acquises auparavant et de les porter au plus haut niveau.
Laurence Souksi et Frantz Fray, les dirigeants de la Galerie Espace 4, ont accordé une interview à Agathe Giros au sujet du marché de l’art des antiquités asiatiques et des faux circulant sur nos marchés.
Extraits: “On conseille aux acheteurs d’aller dans les galeries spécialisées, en se renseignant bien au préalable. Il faut se méfier des ventes aux enchères qui drainent beaucoup de copies modernes ou faux.“
“On trouve très peu de gens avec qui converser sur ces sujets ; c’est ce qui manque aujourd’hui : des interlocuteurs passionnés. Bizarrement, c’est plus facile pour nous de dialoguer avec des gens à Toronto, à Hong Kong ou à New-York. Les anglo-saxons ont un pouvoir fédérateur bien supérieur au nôtre.”
Lire l’article: “Attention aux antiquités chinoises made in 2013”
Après une première partie consacrée à l’apparition du verre en Chine, étudions à présent le développement de la tabatière en verre à la cour impériale de l’empereur Kangxi puis de l’empereur Yongzheng.
Pour mémoire: à la fin du XVIIème siècle, avec le nouvel enthousiasme de l’empereur Kangxi (1662-1722) pour l’art du verre et le développement rapide de la prise de tabac au sein de la Cité Interdite, apparaissent les premières tabatières en verre.
Les européens occupent un rôle important dans cette entreprise. Contemporain de Louis XIV avec qui il a de grandes similitudes, Kangxi gouverne son pays de main de maître et s’avère homme des Arts et des Lettres. Il accepte à sa cour de nombreux jésuites, utilisés sans scrupule pour leurs diverses compétences dans tous les départements artistiques, littéraires ou scientifiques du Palais Impérial. De nombreux cadeaux, dont des objets en verre, lui sont parvenus d’Europe et l’empereur découvre avec intérêt cette matière dont il ne soupçonnait pas les possibilités. Boshan ou Canton ne réalisent rien de comparable. En conséquence, il ordonne en 1696 la création d’une verrerie dans l’enceinte du palais Impérial sous la direction du jésuite allemand Kilian Stumpf (1655-1720) et requiert les meilleurs ouvriers de l’empire.
Nous vous proposons aujourd’hui de parcourir l’histoire de la tabatière en verre, l’un des matériaux les plus utilisé pour la confection de ces flacons. Cet article sera composé de plusieurs parties, dont voici le premier volet.
Les premiers témoignages de l’existence de l’art du verre en Chine remontent au IVème siècle avant Jésus-Christ. Initialement et durant des siècles, le verre et sa technique de fabrication rudimentaire suffisaient à satisfaire une fonction d’imitation d’autres matières, et plus particulièrement du jade comme, en attestent les fouilles archéologiques.
Son évolution fut sporadique, sans développement artistique capital même sous les brillantes dynasties Han, Tang ou Song, dont peu d’objets majeurs nous sont parvenus. Au XIVème siècle, à la fin des Yuan (1260-1368), un centre de production se structure pourtant à Boshan dans la région du Shandong. Il persiste sous les Ming et fournit même de la main d’œuvre aux ateliers de l’empereur Hongwu (1368-1398). Des archives précises indiquent qu’en 1370, un verrier fut recruté pour la fabrication de rideaux et lampes en perles de verre. Canton sera le second grand centre de production.
Ce long désintérêt de la Chine pour la verrerie trouve sans doute sa raison dans une prédilection pour la céramique. Maîtrisant à la perfection cet art ancestral, les chinois peuvent se permettre de délaisser le verre. Le kaolin et la porcelaine, longtemps inconnus des européens, leur garantissent un secret de finesse, translucidité, pureté et possibilité de décor fantastique.
Les manufactures verrières périclitent au milieu du XVII ème siècle à une période trouble dite « Transition » pour renaître sous la nouvelle dynastie mandchoue Qing qui voit la mise en place d’un mécénat impérial inégalité jusqu’alors.
A cette époque, les chinois découvrent le tabac sous la forme de poudre à « priser » et lui attribuent des vertus médicamenteuses, vite périmées au profit d’une véritable mode. Le problème du conditionnement se pose vite car le climat humide de la Chine ne favorise pas une correcte conservation du tabac dans des boîtes à large ouverture comme celles utilisées en Europe. On détourne donc à cet usage de courantes fioles à médicaments qui, devenues tabatières, se compléteront de bouchons décoratifs munis de liège pour clore hermétiquement l’embouchure et qui se prolonge par une petite pelle servant à extraire le tabac du flacon.
Priser affirme un statut social. Indépendamment de l’empereur et de la Cour, hauts fonctionnaires, militaires ou lettrés s’y adonnent, contribuant à faire évoluer la tabatière. Objet fonctionnel, il doit également être représentatif de la personne qui le possède et l’utilise ; en d’autres termes un objet d’art et un nouveau support auxquels toutes les principales techniques décoratives de cette époque seront appliquées
C’est donc à la fin du XVII ème siècle, avec le nouvel enthousiasme de l’empereur Kangxi (1662-1722) pour l’art du verre et le développement rapide de la prise au sein même de la Cité Interdite que naissent les premières tabatières en verre : une genèse impériale.